5e Journée TechniqueInnovation et évolutions des pratiques

Paris - 19 juin 2018

Sébastien Roustel

Maturations express

Comment réduire les temps de process lors de la préparation des laits ? Explications de Sébastien Roustel, qui détaillera les pratiques possibles lors d’une conférence consacrée à ce sujet.

- Dans leur quête de productivité, les entreprises ont la tentation de réduire la phase de maturation. A quelles conditions est-ce possible ?
SR : Précisons tout d’abord que l’enjeu n’est pas seulement d’améliorer la capacité de production de l’entreprise. Il est aussi technologique : les maturations, surtout quand elles concernent de grands volumes, peuvent donner lieu à des variations de pH à l’emprésurage et comporter des risques de phages.

- Comment s’y prendre ?
SR : Il est envisageable de supprimer l’étape de la maturation chaude, cette phase où les cultures de ferments sont incorporées au lait, à température d’emprésurage en général, avant de procéder à l’ajout du coagulant. C’est un vrai challenge technique pour certaines technologies comme les pâtes molles : il faut trouver les bonnes associations de souches pour pouvoir reproduire la même cinétique d’acidification. Les fournisseurs de ferments ont beaucoup progressé sur la mise au point de ces cocktails grâce à une meilleure connaissance des interactions au sein d’écosystèmes complexes.
On parvient ainsi à n’ajouter les cultures que 5’ avant d’emprésurer, contre 30 à 90’ habituellement. On réduit ainsi le temps où le lait est à l’état liquide et, en conséquence, le risque phagique de manière significative : les phages ont besoin de temps pour agir, leur propagation est moins facile en milieu solide qu’en milieu liquide.

- Pour quel type d’acteurs cette stratégie est-elle pertinente ?
SR : C’est une approche très intéressante pour les fabricants de pâtes molles, de pâtes stabilisées en particulier, qui travaillent en continu ou avec des chaînes bassines. En cas d’arrêt lié à une panne mécanique, le risque de perte est plus limité. C’est très adapté, par exemple, pour la fabrication de bries solubilisés.

- Ce processus peut-il être automatisé ?
SR : Nous avons mis au point, chez CHR-Hansen, Clipper®, un concept qui a nécessité quatre ans de développement. Il permet, à l’aide d’un équipement spécifique, d’apporter en ligne différents cocktails microbiens 5 minutes avant la coagulation. La machine est alimentée avec différentes poches de cultures et les dose de façon automatique en fonction du pH cible souhaité. Elle fonctionne à la façon des « dispositifs hospitaliers » de microdosage de produits médicamenteux, avec beaucoup de finesse.
Le fromager peut différencier les recettes rapidement, décider quelles poches il va associer, ajouter plus d’acidifiants, plus d’aromatisants, s’approprier sa personnalisation. Ce concept est applicable à toutes les tailles de fromagerie.