Solange Buchin
Les vertus aromatisantes des thermophiles et Nslab
Chargée de recherche à l’Inra de Poligny, Solange Buchin, spécialiste des arômes, interviendra sur les vertus aromatisantes des ferments thermophiles et des Nslab.
Pourquoi les thermophiles sont-ils de plus en plus employés hors de leur famille "naturelle", celle des fromages de garde ?
SB : Cette catégorie de bactéries lactiques est en effet employée depuis toujours pour les pâtes pressées cuites, car elles résistent bien au chauffage en cuve à plus de 50 degrés, ainsi que pour les fromages traditionnellement fabriqués dans les mêmes ateliers : morbier, mont-d’or, etc. Les thermophiles servent surtout à l’acidification des fromages, mais jouent aussi un rôle sur l’affinage.
De quelle façon ?
SB : Ces bactéries libèrent des enzymes protéolytiques et favorisent la croissance d’autres populations microbiennes. C’est le cas par exemple des Lactobacillus (helveticus, delbruecki…). Cela est bien décrit depuis plusieurs dizaines d’années. Ces propriétés sont intéressantes pour l’affinage des fromages : elles contribuent à la production d’arômes.
Certains thermophiles peuvent contribuer aussi à l’obtention de textures plus onctueuses, plus "rondes", comme pour les polysaccarides, par exemple. Leur utilisation à cette fin est plus récente.
Qu’en est-il des Nslab ?
SB : C’est une famille très riche de bactéries que l’on trouve naturellement dans le lait cru, mais aussi dans les laits pasteurisés, car elles sont présentes dans l’ambiance des fromageries, elles sont ubiquitaires, se réensemencent toutes seules, mais en quantités moindres.
Peu acidifiantes, elles jouent en revanche un rôle important pour l’affinage, puisqu’elles concourent au développement des arômes en produisant des molécules très variées. On ne peut pas dire qu’elles produisent telle ou telle famille d’arômes, elles introduisent plutôt de la complexité. Elles peuvent être employées pour tous les types de technologies. Leur utilisation commence à se développer pour les fromages au lait pasteurisé.
En pratique, sont-elles faciles à utiliser ?
SB : Elles sont assez délicates à manipuler : on ne comprend pas encore tous les mécanismes à l’œuvre. Le fromager doit trouver un équilibre entre la production d’arômes souhaités et l’apparition d’arômes trop accentués qui peuvent aller jusqu’au défaut, il doit piloter leur développement. Par exemple, plus il va acidifier, moins elles vont se développer.