Sébastien Roustel (Enilbio de Poligny)
« Gare aux réactions en chaîne ! »
Sébastien Roustel présente sa conférence consacrée à la métabiose.
Pourquoi la gestion de l’affinage est-elle parfois si complexe ?
SR : Parce que l’affinage voit entrer en lice une succession de flores microbiennes (la « métabiose ») qui, non seulement, interagissent entre elles mais ont, en plus, besoin de conditions spécifiques pour s’exprimer correctement (température, pH, humidité, éléments nutritifs…). Les mécanismes sont assez simples, mais il y en a une dizaine à gérer. La difficulté, c’est de comprendre et d’orchestrer cette complexité, ces interactions entre les flores elles-mêmes, et entre les flores et le caillé… qui évolue en permanence.
Des exemples précis de dysfonctionnements ?
SR : Dans le cas des pâtes molles lactiques , ce peut être l’apparition non souhaitée de mucor : si les levures travaillent mal, elles ne consomment pas suffisamment d’acide lactique, le pH reste faible, les Pénicillium ne peuvent s’implanter correctement et des moisissures comme le mucor peuvent prendre, par défaut, le dessus.
Autre exemple : j’ai travaillé récemment avec des Australiens qui ne comprenaient pas l’origine de problèmes de croûtage auxquels ils étaient confrontés sur des fromages de chèvre : c’était une histoire de quelques degrés. Ils travaillaient à 11 au lieu de 14°C. Les levures ne se développaient pas, les flores de surface peinaient à s’implanter et ils avaient, au final, des défauts de croûtage, de texture et de goût…
On peut encore citer l’exemple des « croûtes cartonneuses », assez épaisses, qui peuvent se décoller, avec des faux-goûts de carton : elles sont liées à un développement trop important de Penicillium qui peut se produire quand l’apport en oxygène est mal géré.
Des réglages incorrects entraînent ainsi des réactions en chaîne. C’est très sensible.
Quels sont les progrès les plus notables enregistrés récemment ?
SR : Les outils qui permettent de contrôler les paramètres d’affinage sont de plus en plus accessibles. Aujourd’hui, un fermier peut ainsi s’offrir des outils de mesure et de contrôle des flux d’air. Et plus seulement se contenter de suivre la température et l’hygrométrie.
De façon générale, la meilleure compréhension des mécanismes en jeu consolide certaines pratiques et supprime celles qui sont aberrantes : on n’utilise plus ainsi de chlorure de calcium à fortes doses et on pilote désormais bien mieux les conséquences des traitements thermiques.